Portrait du Mag : Manon Bard - Que la luthière soit
![C'est à Manon Bard que Jean-Marc Sarhan confie le soin d'assurer la continuité de l'activité de l'atelier de lutherie](https://rouen.fr/sites/default/files/styles/large/public/illustration/dsc_4380.jpg?itok=ryHbFZrJ)
L’emblématique maître artisan luthier Jean-Marc Sarhan passe le relais à sa salariée Manon Bard. L’avenir de l’atelier repose désormais sur les épaules de ce petit bout de femme de 25 ans. Elle apparaît comme la digne héritière et la fille spirituelle de son ex-patron.
Quand une jeune luthière connaît déjà assez la musique pour écrire une suite : Manon Bard prend la relève d’une référence du métier, Jean-Marc Sarhan, appelé par la retraite après plus de 40 ans d’exercice.
L’atelier de lutherie fondé par le maître luthier en 1981 est le plus ancien de Rouen. Une attraction du décor de la cité, à l’angle de la rue Eau-de-Robec et de la rue des Boucheries Saint-Ouen. On parle de la fameuse maison bleue farcie de violons. Cette institution, Jean-Marc Sarhan la cède à Manon Bard, issue tout comme lui de la prestigieuse école de lutherie de Mirecourt.
"C’est dans le Jura, entre Nancy et Epinal, indique Manon. Mirecourt, commune de 5 000 habitants, est le berceau de la lutherie française. J’y ai fréquenté pendant quatre ans la seule école publique nationale qui dispense une formation d’excellence en fabrication d’instruments du quatuor à cordes (violon, alto, violoncelle, contrebasse). Une promotion de 12 étudiants sélectionnés parmi plus d’une centaine d’aspirants venus de toute la francophonie."
Une transmission naturelle, en douceur
La vocation de Manon, originaire de Verneuil-sur-Seine (Yvelines), remonte à loin. Elle joue du violon depuis l’âge de 7 ans et a effectué son stage de 3e chez une luthière. Elle a fait la connaissance de Jean-Marc Sarhan à l’école de lutherie de Mirecourt, où il participait en tant qu’ancien élève au week-end annuel de conférences et de rencontres organisé à l’occasion de la Sainte-Cécile, patronne des musiciens et des luthiers.
"Il cherchait quelqu’un pour potentiellement racheter son atelier. Compte tenu de mon âge et de mon expérience, je lui ai proposé de d’abord travailler avec lui. Au bout d’une année à l’épauler, j’ai déclenché le processus de reprise. Les formations et les démarches administratives pour devenir cheffe d’entreprise ont duré un an. Ce passage de relais réussi est une victoire pour l’artisanat d’art à Rouen. C’est le cœur léger que Monsieur Sarhan me lègue son œuvre."
Un atelier baptisé "Les Violons du Robec"
Pour marquer le renouveau de l’atelier, il se voit rebaptisé "Les Violons du Robec" et fait actuellement l’objet de deux semaines de travaux (réouverture prévue le 18 février). La nouvelle propriétaire veut réaménager l’espace pour le valoriser. Discrètement, sans chambouler la physionomie des lieux.
"Les gens sont très attachés à l’âme de la boutique. La notion d’ancrage dans le quartier est essentielle à mes yeux. Depuis l’école, j’avais envie d’une implantation dans une ville. Je voulais évoluer dans un atelier généraliste, c’est-à-dire qui fait beaucoup de réparation, d’entretien, de restauration, de location-vente. J’ai besoin de voir du monde."
Et la jeune femme de poursuivre : "Si je voulais fabriquer à plein temps, je ne m’installerais pas ici, où l’activité porte souvent sur la remise en état d’instruments anciens, chargés d’histoire comme cette maison, comme cette ville. Chaque violon accroché sur ce mur a au minimum 100 ans." On est confiant pour "Les Violons du Robec" : les affaires vont bien (m)archer.