Sauvegarde du patrimoine acoustique

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Le Rouennais Nicolas Labatut s’est lancé dans une entreprise d’ampleur : la sauvegarde du patrimoine sonore local. Il vient de terminer ses travaux à l’église Saint-Nicaise, où il a réalisé le clonage numérique de l’orgue de chœur…

Installé sur un petit bureau de fortune, Nicolas Labatut est seul dans l’immense espace intérieur de l’église Saint-Nicaise, à Rouen. Équipé d’une paire de micros, d’un ordi, d’un casque et de claviers, il vient de terminer le clonage numérique de l’orgue de chœur de l’édifice. L’imposant instrument – un Louis-Eugène Rochesson – sera bientôt démonté pour vivre une nouvelle vie, ailleurs. L’église Saint-Nicaise se transformera en effet prochainement en brasserie, le fabricant de bières Ragnar ayant remporté l’appel à projet concernant le nouvel usage du lieu désacralisé. Pour l’heure, l’instrument d’antan est encore installé sur son soufflet électropneumatique et ses bobines d’avant-guerre. Récemment accordé par François Ménissier, organiste à la renommée internationale, il libère des notes à l’impressionnant écho.

C’est pour en garder une trace que le Rouennais a pris l’initiative de la sauvegarde, en accord avec l’association "La boise Saint-Nicaise" et le nouveau propriétaire des lieux. "L’orgue est composé de deux claviers de 56 touches. Il m’a fallu des heures pour tout installer et enregistrer les notes une à une. Le moindre bruit de mobylette ou d’hélicoptère et il fallait recommencer", témoigne Nicolas Labatut. Le résultat, c’est ce clonage numérique, conforme à l’original par définition. Les touches du synthé restituent le son de l’orgue à la perfection. Peut-être même que l’espace muséal de la future brasserie proposera un clavier pour rejouer la musique du lieu, c’est dans l’air en tout cas. Il s’agit aussi de garder le son comme un précieux trésor : "J’adorerais faire une cartographie rouennaise du patrimoine acoustique, confirme Nicolas. Une sauvegarde comme celle-là existe pour les langues par exemple. Il existe bien sûr des enregistrements de concerts dans des églises, mais à ma connaissance, personne ne clone les sons et les ambiances". Car celui qui conseille et vend des instruments dans le civil ne s’est pas contenté de sauvegarder les notes, il a aussi capté l’écho. En rejouant l’orgue numérique, un outil permet de jouer avec cet écho. Du bruit sec au rendu exact de l’église.

Lors de la dernière soirée estivale du bar Ragnar, fin septembre, les clients ont eu la surprise d’entendre les cloches de Saint-Nicaise, pourtant muettes depuis des années. L’explication ? "Une personne est venue me trouver avec une cassette audio. En lisant la jaquette et en écoutant la bande son, je me suis aperçu qu’il y avait un enregistrement d’une volée de cloches de Saint-Nicaise, captée en 1986", dévoile le passionné. La diffusion à la tombée de la nuit relève du petit exploit technique, mais la bande nettoyée fait son effet : des clients filment même le clocher avec leur téléphone portable, pensant qu’il s’agissait des cloches elles-mêmes !

Nicolas Labatut aimerait poursuivre cette activité hors du commun à Rouen, "en sauvegardant l’acoustique et la réverbération de l’église Saint-Paul avant qu’elle ne change de destination elle aussi, mais également de lieux plus contemporains, comme le centre commercial des Docks 76 en pleine nuit par exemple". L’idée serait de marquer une époque et ses sons, pour les réécouter même dans un siècle ou deux. Le chantier semble infini.

Comme l’écho de l’église Saint-Nicaise.


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